Les racines expressionnistes allemandes peu connues de la Danse contemporaine rencontrée en France dans les années 1970s

(Françoise et D. Dupuy - Ballets modernes de Paris - RIDC)


Première partie

Hellerau..., WigmanSchule...



Dans les années 2000, Françoise Dupuy, née en 1925, continuait de transmettre l'expérience du mouvement (ce qu'on peut faire avec son corps) et de l'espace; stages ouverts à tou/te/s :

cours françoise Dupuy
(in Zervas et Battesti 2017)

D'où venait cette danse contemporaine ?
Elle parle de Hellerau :

"C'est le lieu mythique des débuts de l'art moderne... Hellerau 1911, il y avait tout l'art moderne européen qui s'y trouvait, ceux qui ont fait l'art moderne, que ce soit des danseurs, des musiciens... des architectes, des peintres..., tout ça sous l'égide de Dalcroz et d'Appia..." :

(in Soulas 2012, Ina)





Hellerau en 1913
Hellerau, devant la Bildungsanstalt un jour de Festpiel en 1913 (in Bablet-Han 1988)

Hellerau est un paysage collinéen 7 km au Nord de Dresden, capitale de Saxe. En 1909 Karl Schmidt-Hellerau, fabriquant de meubles qui faisait partie d'un collectif d'artistes et entrepreneurs qui pronait une réforme sociale (Lebensreform), a fait construire là la première petite cité-jardin d'Allemagne proche de son usine à flanc de coteau. Puis Wolf Dohrn (1878-1914), directeur admnistratif de ces entreprises de Karl Schmidt et gérant de la cité jardin d'Hellerau réalise l'idée de mettre l'art au centre de la cité pour offrir une éducation musicale en Allemagne, la construction au sommet dégagé de la petite colline du Festspielhaus (salle de Festival), et Bildungsanstalt fûr Musik und Rhythmus (Institut d'éducation à la musique et au rythme). Pour cette réalisation W. Dohrn a fait appel à Heinrich Tessenow, architecture humaniste, bâtiment style classicisme primitif, avec un disque du Ying et du Yang haut devant, dualité des forces, indiquant un rôle philosophique et de culture partagée de l'endroit. Ils travaillaient en équipe avec E. J-Dalcroze, A. Appia et A.Von Salzmann.

Émile Jacques-Dalcroze (1865-1950), pianiste, qui avait étudié la composition (avec Anton Bruckner notamment) et pédagogue a enseigné au conservatoire de Genève de 1892 à 1910. Il était venu faire des démonstrations en Allemagne sur sa méthode inovante active d'apprentissage qui a séduit, pas seulement pour le coté artistique, mais aussi pour la vie simple, impliquer son corps entre la musique et le cerveau. Il avait déjà commencé à publier sur sa méthode.
Adolphe Appia (1862-1928) originaire de Genève a consacré sa vie à penser le scénique (il a fait notamment son conservatoire à Dresden). A 19 ans en 1882 il avait assisté à Parsifal peu avant la mort de Richard Wagner au Festspielhaus de Bayreuth, qui commençait à bousculer la tradition. Il en vera d'autres mais trouvait le potentiel scénique pauvre et inexploré par rapport à la musique. Il est arrivé à une vision où tout doit être souple surbordonné à l'expression scénique. A Hellerau spectateurs et acteurs sont englobés dans un volume unifié, pas de backstage pour les artistes, pas de foyer pour le public, seules deux entrées, Appia défendant que acteurs et public devaient y pénetrer ensemble.
L'éclairage, 10 000 ampoules régulièrement espacées, n'était pas directement visible, couvert par des toiles traitées avec de la cire qui créait une lumière sans ombre, atmosphère d'irréalité. Il était controlé par un orgue de couleur, joué par un-e technicien-ne pouvant créer toutes sortes de nuances et couleurs en lien avec les chorégraphies. Cela a été pensé par A. Appia avec l'artiste peintre et artisant doué d'origine russe-georgienne Alexander von Salzmann (1870-1934).

E. J-Dalcroze  et A. Appia
Émile Jacques-Dalcroze et Adolphe Appia 1908 (Ency. Britannica et Blibliothèque Genève)

Le fonctionnement commence en novembre 1911, E. J-Dalcroz étant arrivé avec 46 élèves déjà formé-e-s. Des logements pour les professeurs, invité-e-s et visiteu/r/se/s sont ajoutés.
L'intelligentsia d'Europe et au delà est vite attirée dans ce lieu d'inspiration : Edouard Gordon Graig, George Bernard Shaw, Uday Shankar, Frank Kafka, Paul Claudel, Vaslav Nijinski et Sergej Diaghilev qui préparaient leur sacre du Printemps révolutionnaire en 1913 avec I. Stravinsky sont venus prendre inspiration aussi à Hellerau, Rainer Maria rilke, comme les directeurs des grands théatres européens, russes, mais aussi des prince-sse-s, etc. Les membres du groupe de peintres expressionistes Die Brücke en réactions contre l'habitude des modèles statiques, faisaient partie du cercle de Hellerau.
Étaient organisées des démonstrations de rythmique, des pantomimes de E J-Dalcroze, Écho et Narcisse, Prélude et Fugue de Mendelson-Bartholdy (250 participant-e-s), le sommet Orphée et Euridice de Gluck (actes séparés puis entier). La première de "L'annonce faite à Marie" de P. Claudel sera faite aussi à Hellerau en 1911-12.

demonstratioin de ryhtmique à Hellerau,1912
(in Bablet-Han, 1988)

Orpheus und Euridke, Hellerau-1912
Émile Jacques-Dalcroze à une répétition de Orpheus et Euridyce de Gluck en 1912 (sera donné en juin 1913 en intégrale lors de la deuxième édition des Festspielhaus)

Au printemps 1914 près de 500 élèves étaient incrit-e-s à Hellerau, venu-e-s de toute l'Europe.
L'éclatement soudain de la première guerre mondiale en août arrêtera Hellerau comme lieu d'avant-garde et d'une nouvelle façon de vivre (de plus Wolf Dohrn était tué dans un accident de ski en février 1914).
Le centre de rythmique redevient un temps Genève où est E. J-Dalcroze. A Hellerau "l'école Dalcroze" a fait faillite et le site continue sous une gestion différente par Harald Dohrn. La danse rythmique revient en 1915. Mais c'est après la guerre en 1919 que d'ancien-ne-s élèves Dalcroze (l'allemande Valeria Kratina, la tchèque Jarmila Kröschlova,...) y re--établissent La Nouvelle école pour le rythme, la musique, et l'éducation physique. En 1923 y seront montées les premières du wooden prince de B. Bartok et de Lhomme et son désir de D. Milhaud qui ramène un intérêt international.
En 1925 la ville de Vienne invite l'Ecole à venir s'intaller dans le château de Laxenburg (près de Vienne), mêmes personnes sur les mêmes bases, en s'internationalisant. Cela devient alors, jusqu'en 1938, "Hellerau-Laxenburg". Dans la tradition Delcroze de représentations en plein air, l'Ecole (avec V. Kratina) va faire des représentations dans des vestiges de théâtres antiques en Sicile en 1925, 1926 et 1927.
Après la guerre, nombreu/ses/x disciples de Dalcroze travailleront dans les systèmes scolaires publics, notamment en Allemagne et plus encore en Tchécoslovaquie.



En juillet 1913, deux jeunes personnes 'formées Dalcroze' ont quitté Hellerau pour un cours d'été qui s'annonce d'éveil et de création artistique, notamment pour le mouvement. L'une s'appelle Marie Wiegmann, et l'endroit réputé de vie alternative est Monte Verità.

Monte verità est une colline (3 collines en fait, et une source) à la végétation méditérranéenne, contre le petit village de Suisse itallienne d'Ascona sur le Lac Majeur. En 1900 un groupe de jeunes de langue allemande derrière l'autrichienne Ida Hofmann, bonne pianiste, amatrice de la musique de R. Wagner qu'elle a rencontré, et de la pièce Empereur et Galiléen de H. Ibsen, y fonde une "colonie". Avec elle sa soeur Jenny, son compagnon le pragmatique gestionaire Henri Oedenkoven qui a achété le terrain avec son héritage d'Anvers, le militant pacifiste allemand Gustav Gräser et son frère Karl, plus tard le médecin de Berlin Raphael Friederberg figure anarchique... Végétarien-ne-s sans café, ni alcool ni tabac, vêtements de lin ou coton, nourriture du potager... Mais Monte Verità est vite aménagé et ouvert à une clientèle éclectique en tant notamment de sanatorium (la vitamine D venait d'être découverte donnant vertu au soleil), partie commerciale. Des artisants et jardiniers furent embauchés et des petits pavillons de bois ont été édifiés (eau courante et petit moyen de chauffer, et électricité), disséminés, ainsi qu'un restaurant central style art nouveau (il pouvait y avoir 200 personnes en été avant 1914). On y est le plus souvent pied nus, cure d'air à nudité bienvenue à sexes séparés. Mode de vie proposé comme remède, on peut choisir gymnastique, randonnées, rammer sur le lac, yoga, danse, musique (concerts), lecture (bibliothèque et conférences). C'est encore le courant lebensreform (réforme de la vie) de l'époque, inspiré notamment par les derniers écrits de Léon Tolstoï, avec une pincée de mystique cosmique. La démarche de Monte verità était expérimentale et sincère, il y avait des soirées ouvertes de discussion dans la maison de Oedenkoven où l'on pouvait s'exprimer, partager un art, on cherchait des voie nouvelles (Doerr 2008, p. 31) .


Monte Verita
Communauté-sanatorium Monte verità, Ascona, sur le Lac Majeur (Archivio Fondazione Monte Verità; Stacher 2013)


Mary Wigman (1886-1973)

est née Marie Wiegmann à Hannover en Prusse occidentale dans une famille bourgeoise dans le business florissant des machines à coudre. Elle a eu une éducation au piano et au chant pendant des années, a voyagé (Angleterre quelques mois, suisse, Hollande), a apris des langues, vu des spectacles dont quelques uns, Dalcroze et danse l'ont attiré. Ce qu'attendait son milieu familial était un bon mariage. Elle, se décrit malheureuse dans ce rôle. En 1910, 23 ans, elle fait pression sur sa mère pour s'inscrire pour un diplome Dalcroze dans Hellerau qui allait ouvrir, prétexant la musique, mais c'était secrètement pour la danse.
Elle est 2-3 ans dans ce lieu international, a fait beaucoup de danse rythmique, a même pu improviser, baignée dans cette sorte de grande rébellion artistique. Elle a observé, ou a participé à, des chorégraphies inédites qu'on venait voir de loin. Arrive le moment où elle obtient son diplome Dalcroze. Que faire ? Sa mère était contre une carrière dans la danse s.s.
Munich était un autre centre d'avant garde fréquenté par les mêmes artistes (le Blaue Reiter group) et alors qu'elle était dans une salle improvisant, un de ces peintres, E. Nolde, lui mentionne avoir vu à Munich dans un studio nommé Laban des personnes faisant des choses un peu folles comme elle, sans réelle musique (Doerr 2008, p.33; Newhall 2010). Il se trouve qu'une monitrice d'Hellerau, Suzanne Perrottet, part pour un projet d'Ecole d'Art qui va inclure mouvement-danse, dont elle fait partie, projet décidé en dernière minute par ce même Laban de Munich, à Monte Verità. Les deux jeunes filles se suivent de près à Ascona, Marie en tant qu'élève. Pour elle, c'était simplement pour un cours d'été.
Mais dira-t-elle ensuite : " c'était un paysage pour danseu/se/r/s... grand air, pelouses entourrées d'arbres, une plage ensoleillée. Comme on était jeunes ! on bougeait, on sautait, on courrait, on improvisait et se dessinait nos premières danses solo simple et figures de groupes... " (Fuller Snyder n.d.). Et pour ce Rudolf Laban elle écrira plus tard (Doerr 2008, p. 123) : "Il était mon professeur, mais pas dans le sens littéral du mot. Il était le grand inspirateur, quelqu'un qui vous prenait par la main et vous amènait dans la brousse d'une jungle impénétrable. Et là inévitablement il vous abandonnait. Vous aviez à mener vos batailles propres seule. Peut-être c'était pour cette raison qu'il était le grand professeur.". Elle précise aussi être devenue son assistante (Fuller Snyder n.d.). Cette opportunité d'expérimenter librement à la rercheche d'une expression avec son corps dans l'endroit parfait aller donner la direction de sa vie. Par ailleurs il y avait une vie communautaire dans la colonie, où l'on pouvait vivre pour pas cher ("l'école d'Art" commmençait en fait chaque matin par deux heures de jardinage, suivie d'une heure d'artisanat, comme faire des sandales ou vêtements, et le mouvement, danse ou autre activité artistique venait après). R. Laban avait idée d'utiliser le mouvement-danse comme moyen de changer la société mais n'était pas lui-même danseur (surtout à ce moment). M. Wiegmann s'est vite distinguée par une force intérieure, la spontanéité de sa dance.
Ce 'séjour parfait' à Ascona dure jusqu'à Octobre 1913 après quoi Marie W. suit le groupe Laban à Munich plutôt que de saisir une offre de professeur Dalcroze qu'elle a eu.
Parce que l'hiver on se replie sur la grande ville artistique (plus de 500 000 habitants) où on peut trouver des élèves pour faire vivre "l'Ecole d'Art", un studio ayant été loué. Et il y a des élèves. S. Perrottet et Maja Lederer, l'épouse chanteuse de R. Laban, font le chant et la musique. R. Laban devait faire mouvement et danse mais tombe malade de suite. C'est Marie Wiegmann qui se substitue à lui. De nouveau les choses se passent très bien à Munich l'hiver 1913-14. Et R. Laban avec ses 3 associées dirige une chorégraphie présentée avec succès lors du Carnaval de la ville qui leur amène une reconnaissance artistique.
Il demeure des photos d'un solo de M. Wigman en 1914, Hexentanz, où tout le haut de son corps est masqué dans un large tissu bouffant, un bonnet collant sur la tête, elle semble faire des sauts énergiques jambes et pieds nus. Les Mary Wigman Archiv mentionnent 5 solos et 3 danses de groupe d'elle cette année là, qu'elle a dansé en spectacle notamment sur une petite scène à Munich l'hiver 1914. Mary Wigman était née, c'est à ce moment qu'elle métamorphose son nom.

débuts Marie Wiegmann
A gauche en haut : Marie Wiegmann à Hannover en 1906, bas : l'élève Dalcroze à Hellerau (1910-1913); centre et droite : été 1914 à Monte Verità : sur pelouse, et au bord du Lac Majeur (Tanzarchiv Köln, Berlin, in Newhall 2010, Fuller Snyder n.d. et Stacher 2013)

Retour dans la belle colonie de Monte Verità l'été, avec encore plus d'élèves inscrit-e-s. Soudain c'est la guerre, la colonie se vide. Comme on y pratique le troc, il était toujours possible d'y être l'été en réglant par du travail. R. Laban se fait thérapeute pour des patient-e-s individuel-le-s du sanatorium. Mais en octobre il faut se replier en ville. Lui ne voulant pas retourner en Allemagne de peur d'être appelé, il reste Zurich (où d'ailleurs du petit monde de la colonie et du monde artistique va se retrouver).
Suivent 6 mois de galère à loger ici et là dans la périphérie de Zurich dans des hôtels miteux, ou lieux perdus et froids. Au printemps 1915 une maison est louée, dans la campagne à 22 km de la ville, et un local dans Zurich pour re-démarrer là l'Ecole d'Art. R. Laban décide de lancer une sorte de "Monte Verità-bis" dans cette maison (projet Labangarten), une illusion qu'il faudra abandonner qui aura coûté temps, énergie et argent. Mary Wigmann va être essentiellement celle qui fait les cours au studio de danse, jusqu'à la fin de la guerre, et parallèllement Suzanne Perrottet fait des cours Dalcroze. Le démarrage est difficile mais en 1916 l'école tourne, d'anciennes élèves déjà formées sont là aussi. L'ambiance devient même bouillonnante avec l'installation cette année là des Dada, "Café Voltaire", pas loin (). Echanges : des danseuses participent au spectacles Dada, les dada viennent au studio de danse "Laban"...
Doerr (2008, p. 56) : "Mary Wigman et Clara Walther ont commencé en 1916 à couper le cordon ombilical avec « Maître Laban » et ont fait une tournée [un peu plus tard dans la guerre] qui a bien marché à travers la Suisse avec leur propre chorégraphie.". Berthe Trümpy (1895-1983) fille d'un riche industriel suisse, l'artiste Sophie Taeuber... formaient déjà un semblant d'équipe avec Mary Wigman.
M. Wigman pouvait faire des spectacles dans leur petit studio de Zurich, comme en nov. 1917 avec cinq solos (Newhall 2010). Jusqu'à mai 1917, Laban n'a été en réalité à aucune classe de mouvement dans son école ni aux opportunités d'apparaître... L'érudit de la dance... essayait de développer la base de sa "philosophie de la danse" qu'il ne publiera que quelques années plus tard dans son "Die Welt des Tanzers" (Le monde des danseu/se/r/s, [c'est ça qui va lui apporter le succès]). Le credo de Mary Wigman est : "L'art fort et convainquant n'est jamais sorti de théories.". On comprend que la guerre finie, chacun soit parti de son coté.

Les groupes se disloquent avec la fin de la guerre. Transition délicate, le jeune frère de Mary Wigman est revenu handicapé. En Allemagne, tout est bouleversé par la défaite. Le traité de Versailles est honni par les nationalistes et il y a une poussée communiste car les conditions sont dures. Au milieu, la faible République de Weimar est établie, imposée plus ou moins de l'extérieur. La période va être tumultueuse. On détecte chez M. Wigman ce qui pourrait être un point de tuberculose, une menace grave à l'époque. Elle part en sanatorium dans l'Est de la Suisse. C'est une année de solitude après une intense vie communautaire, mais quiétude qu'elle décrit comme merveilleuse. Car elle en profite pour créer plusieurs nouveaux solos et travaille sur une chorégraphie. Elle fait un spectacle public à Davos.
Elle se lance alors dans une tournée de villes allemandes, recevant des critiques cinglantes (jugement par rapport au ballet classique) mais pas toujours trouvant quelques allié-e-s. A Dresden ville d'art au public plus averti elle trouve une audience réceptive qui lui fait choisir cette ville. En 1920 avec l'aide financière de la famille de B. Trümpy, devenue son assistante, elles acquièrent une villa Bautzner Strasse à Neustadt-Dresden. Ça allait être la Wigman Schule pendant 22 ans. Avec Grete Palucca (1902-1993), nouvelle disciple chipée à l'Opéra de Dresden, et avec B. Trümpy, en 1921 elles font spectacle devant salle comble.
Les étudiant-e-s arrivent à la Wigman Schule, Yvonne Georgi (1903-1974, qui avait aussi fait Hellerau), Harald Kreutzberg (1902-1968), Max Terpis (1889-1958), Hanya Holm (1893-1992, qui avait aussi fait Hellerau), puis Margarethe Wallmann (1904-1992, qui quitte le ballet), puis avec la récognition, des élèves d'autres pays. Mary Wigman peut commencer des chorégraphies de groupe (Die Sieben Tanze des Lebens, 1921).
La Ausdruckstanz, dance d'expression basée sur la liberté individuelle plait dans l'Allemagne de ce moment. Quant à la absolute tanz, c'est la dance tout simplement, pour Mary Wigman.
Dans les années 1920 elle a commencé à inclure les masques dans ses compositions, époque notamment d'une nouvelle création sur son thème Hexentanz, 1926 (masque fait à son image), un petit bout qui nous est resté :

Hexentanz par Mary Wigman
Mary Wigman Hexentanz; source : M. Mooiman, youtube

chorégraphie Wanderung de M. Wigman
Wanderung de M. Wigman et ses danseu/se/r/s, in le film muet "Wege zu Kraft und schönbeit", 1925.

Elle fait des chorégraphies de groupe, ex. Wanderung (avec sa troupe, 1923-25), a été appelée (avec H. Holm) pour la chorégraphie du drame parlé de 2,5 heures Tontenmal (avec 100 participant-e-s, du Chorische Bunde de Munich surtout, écrit et dirigé par l'enthousiaste jeune poête suisse Albert Tahhoff, sur les morts des deux cotés de la première guerre, joué de fin juil. à sept. 1930),   ii). Elle n'arrête pas pour autant ses créations solos, comme par ex. Pastorale, ou Sommerdans... ou encore :

Serafisk par Mary Wigman
Mary Wigman Serafisk Sang 1929, Musique Hanns Hasting; source : Univ Wash. Depart Dance-youtube

Mais elle avait du dissoudre sa troupe fin 1928 pour raisons financières. Mary Wigman fera 3 tournées aux USA, fin 1930, fin 1931 et fin 1932. Son ancienne élève-assistante Hanya Holm a ouvert un école Wigman à New york en 1931.
Mais avec la crise économique, cela va mal en Allemagne sur ces années et aussi les finances de son école. Lorsqu'elle rentre du 3ème voyage, Hitler a été nommé au pouvoir. Dans un premier temps les National Socialistes ne touchent pas à ces figures nationales, essaient de les utiliser à leur avantage (jusqu'aux jeux olympiques 1936). Mais c'était la fin pour cette danse moderne allemande, éteinte sous le 3ème Reich puis complètement oubliée. Ils retireront à M. Wigman son école. Elle continuera difficilement à enseigner.

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Rosalia Chladek, (1905-1995) est de la deuxième génération. Née à Brünn (actuel Brno en Tchéquie), après une éducation musicale elle vient à Hellerau de 1921 à 1924 puis à Laxenburg où elle enseigne. De 1928 à 1930 elle est au conservatoire de Bâle où elle développe son propre système, puis est invitée à prendre la direction de Dalcroze "Hellerau-Laxenburg", ce qu'elle fera jusqu'à 1938. Pédagogue, très analytique du mouvement, elle poussait aussi à une danse expressive et à l'improvisation.

R. Chladek à Laxenburg
A gauche, Tanzschule Hellerau-schloss Laxenburg, 1926 (ph. H. Bruehlmeyer via getty-i); A droite Rosalia Chladek pratiquant à Laxenburg (ph. Dito via getty-i)

En 1931 avec 40 élèves de l'école elles/ils présentent une chorégraphie d'un grand effet dans l'usage du grand espace par différents groupes sur l'Arlésienne de Bizet au Festwoche à Vienne devant 15 000 spectateurs. En 1932 avec sa chorégraphie de groupe, Contrasts elle obtient le 2ème prix au concours à Paris (derrière la Table Verte de K. Jooss). Moins connue en Europe, parce qu'il fallait y être, elle a continué la tradition de l'école de chorégraphies des tragédies grecques, dans le théâtre de Syracuse, en 1933, 1936 et 1939. Au corps atlétique, elle a fait de nombreux solos, dès 1923 à Hellerau-Dresden et particulièrement dans les années 1930s, par exemple Jeanne d'Arc en 1934 au conservatoire de Bâle et en Europe. Demandée, elle voyage beaucoup (jusqu'en Indonésie) puis sera Directrice de l'éducation de danse moderne à Vienne.



Deuxième partie : Retour à Françoise Dupuy



Biblio


anegeo 26/11/23