(déc. 1879 - juil. 1958)
Rudolf Laban de Vàralià est né à Bratislava dans une famille militaire aisée, choisit les arts. Jeune marié ils étudient les arts d'abord à Munich (1900 - 1904) puis Paris où ils vont aux cours de l’École des Beaux Arts. Sa femme décède (1907). Sa mère à elle prend les deux enfants. Lui retourne chez sa mère à Vienne, participe à la vie culturelle, vend de l'art graphique, des caricatures, rencontre la chanteuse Maja Lederer de Munich. Ils se marient en mai 1910 et partent habiter à Munich (où il auront deux enfants).
1910, c'est l'ouverture de Hellerau, Dalcroze, Apia..., qui va attirer les artistes avant-garde d'Europe. Des livres sur la danse sortent (E. Schur"s "Der moderne Tanz", 1910). Munich, alors plus de 500 000 habitants, est aussi un centre artistique bouillonnant. Alexander Sacharoff, venu de Paris en 1905 s'y installe. Il s'était consacré à un art de la dance et fait son premier spectacle en 1910 également. Il travaillait avec Vassily Kandinsky pionnier de l'art abstrait, peinture, qui cré le groupe Blaue Reiter (le cavalier bleu). Arnold Schoenberg qui bouleverse la tonalité s'y trouve aussi. Et il y avait dans la ville de la gymnastique artistique, de l'Eurythmie et la lebensreform touche le théâtre. Georg Fuchs (qui avait monté un spectacle Das Zeichen (Le Signe) sur un motif de Zarathustra de Nietzsche avec le cristal symbole de la vie) y organise chaque année une plate-forme d'art populaire, avec rythmes, du mythe...
Rudolf Laban qui a alors 31 ans, commence à délaisser le crayon pour une promotion du "mouvement". Il est idéaliste dans l'air du temps, veut changer la société, et décide que le mouvement, dont la danse, a un potentiel de pouvoir impliquer le plus grand nombre. Si certaines dansent, lui va utiliser le mouvement-dance en projet idéologique. En 1911 il loue une pièce pour lancer sa nouvelle activité. Seulement il doit continuer de vivre d'art graphique, et déprime. Aussi au printemps 1912 il part au repos dans un sanatorium loin, 460 km, à coté de Dresden, connu pour ses traitements naturels, nourriture saine, plein air. Là il rencontre une jeune monitrice Dalcroze du proche centre de Hellerau, c'est le déclic réciproque, un amour-collaboration qui allait durer 5 ans. Pour "... Laban... travailler avec Suzanne Perrottet - qui a une formation musicale, formée à la méthode rythmique de Jacques Dalcroze - était un bénéfice énorme." (Doerr 2008, p. 27). "Laban de plus louait le travail de Jacques-Dalcroze comme "une énorme réalisation culturelle". Après l'une des performances à Hellerau, Laban a écrit à Perrottet : "Là ça a atteint un effet religieux total, et c'était notre religion - la religion dont le temps arrive"(Doerr 2008, p. 37). La crise de ménage que cela provoque avec Maja va trouver un arrangement, pas de divorce, et les deux relations sont maintenues en connaissance de cause (lui ayant joué la scène "de mettre fin à ses jours comme père de famille", Doerr 2008, p. 25).
A Munich en 1913 il trouve un espace plus grand "où il fonde un Studio "Rudolf v. Laban Vàralià"... son premier laboratoire de mouvement. Des cours d'étude en gymnastique anatomique, rythmique, pantomime et danse" (Doerr 2008, p. 23). Dans tout ce qui suivra, il saura toujours très bien faire sa publicité, articles dans les journaux, affiches, brochures, conférences théoriques, démonstrations pratiques, jouer sur les relations. Mais ce n'est pas le succès rêvé. C'est alors qu'il se tourne vers Monte verità/Ascona, "il était sûr de trouver une communauté entière de personne avec le même type d'esprit. Il a été voir le directeur de la colonie en mai 1913 et lui a exposé son plan pour fonder une école d'art à Ascona. Avec Oedenkoven, Laban a trouvé un camarade spirituel et un ami... (...) Laban a trouvé une place avec les artistes et celles/ceux de la réforme de vie, des spiritualistes et des anarchistes, [qui venaient] d'abord des scènes artistiques de Munich et de Zurich..."(Doerr 2008, p. 29). Il entre dans la loge maçonnique présente dans la communauté (incluant ses tenants). Une école d'été des Arts est mise sur pied. "L'art formel" sera enseigné par Ida Hofmann et Henri Oedenkoven (les tenants de Monte verità), avec l'architecture, le jardinage, l'économie ménagère et la cuisine, l'artisanat, la peinture, la sculpture, le tissage et la confection de chaussures et de vêtements. L'art verbal sera fait par R. Laban, l'art acoustique par Laban avec S. Perrottet et Maja, l'art du mouvement par Laban : exercice physique et danse. " la brochure de publicité annonçait que chaque élève trouverait un domaine d'activité approprié à son caractère.... éveillerait l'amour d'une création artistique vivante...introduire les élèves à toutes les formes du génie humain" (Doerr 2008, p. 33). " Laban maintenant a pris sa place comme l'artiste adorateur de la nature de la colonie...[il leur dit :] Mon appel et votre acception que je sois directeur de l'école d'art d'Ascona (été)/Munich(hiver)" (Doerr 2008, p. 32).
Les élèves de cette école d'Art vont être complètement intégré-e-s à la vie alternative de la colonie. C'est bon marché mais il y a deux heures de jardinage le matin, puis une heure d'artisanat (sandales, vêtements... ) et après seulement la dance ou autre activité, et il y a les tournées pour la cuisine ou le service. C'était un "art" de vivre.
L'une des élèves était Marie Wiegmann à la sortie de sa formation Dalcroze à Hellerau, venue pour l'été. Et ce stage va orienter sa vie. Elle racontera : son approche d'enseignement [de Laban] était essentiellement de laisser les élèves trouver leur chemin propre. Il n'avait ni la patience ni l'endurance de finir quelque chose..., ...si l'on était réceptive à l'idée, n'importe quoi pouvait être mis en danse... (Doerr 2008, p. 35). On bougeait là, on sautait, on courait, on improvisait et chorégraphiait nos premiers solos et dance de groupe... Et Laban était toujours là, avec son tambour à la main, plein d'idées, toujours prêt à expérimenter. Laban le magicien, le prêtre d'une religion secrète.". Laban possédait une imagination chorégraphique complètement inexhaustible. "Cela n'est donc "pas étonnant" a écrit plus tard Mary Wigman, "que j'étais sous l'influence de Laban personnellement..." (Doerr 2008, p. 34). Il y avait jusqu'à 20 élèves. La saison, commencée en juillet, s'est terminée le 15 octobre 1913, et a été un succès.
L'hiver, retour à la ville, Munich, où le Directeur du festival d'été sur le Lac Majeur comme se présente alors R. Laban, fait de la publicité pour des cours de performance artistique de novembre à Avril, ayant pris un local plus grand prés de la gare. Suzanne et Maya y font le chant et la musique. Lui devait diriger les cours de danse mais il tombe malade de suite et c'est Marie Wiegmann qui vient de refuser un poste d'instructrice Dalcroze, qui le remplace. Un nombre d'élèves s'inscrivent. Au bout de 3 mois l'équipe ainsi formée travaille d’arrache pied, enthousiastes sur une pièce entraînant nombres de figurant-e-s amat/rice/eur/s, pour le Carnaval de Munich. Il y a de la finesse, drôlerie, et bizarrerie dans la chorégraphie et c'est un succès. Cette fois Laban se fait un nom dans le milieu artistique de la ville. Lorsqu'il fait ensuite une conférence sur la danse libre, une danse sans musique, il a un auditoire. Dans la salle un critique de danse, Hans Brandenberg, est impressionné. De là Laban et Brandenberg resteront proches (Doerr 2008, p. 38).
Avec forte publicité - soleil, lac Majeur, se libérer... - l'école reprend au printemps 1914 à Monte verità, avec 25 nouvelles inscriptions (dont Käthe Wulff). "Le programme journalier commençait lorsque les élèves se rassemblaient à 08h pour des exercices de gymnastiques, dirigés soit par Laban lui-même ou, sur son signal, par Mary Wigman." (Doerr 2008, p. 39).
Laban veut maintenant y travailler sur une grande représentation qu'ils pourraient présenter ailleurs (à Cologne). Mais c'est du théâtre dramatique. Ça ne marche guère avec des élèves du mouvement, et de plus c'était complexe : il faut abandonner l'idée. Sur ce, tout à coup éclate la guerre mondiale. La colonie se vide. R. Laban, S. Perrottet, M. Lederer et M. Wigman vont rester dans le bel endroit presque vide jusqu'à octobre. La colonie pratiquant le troc, il était toujours possible d'y être en réglant par du travail. Laban et Wigman travaillent leur intérêt respectif. Leur différence est maintenant établie : elle voulait la danse expressive, extatique, lui avec crayons et papiers voulait la symétrie explicative.
Il y avait des gens malades dans ce sanatorium. R. Laban a lu le travail de Wundt : Grundzüge der Physiologischen Psychologie (Précis de Psychologie physiologique) et se met comme thérapeute pour des patient-e-s individuel-le-s, une activité qui apporte quelques revenus. En leur faisant faire des mouvements il a apparemment eu des très bons résultats.
Mais l'hiver arrive, il faut partir. R. Laban ne veut pas aller en Allemagne de peur d'être appelé. Ça sera donc Zurich. Suivent 6 mois de galère, où tout en cherchant des endroits pour lancer leur activité, ils dorment dans des hôtels miteux, un moment dans une hutte perdue entourée de neige au dessus de la ville...
En avril 1915 Laban a loué un petit bureau dans Zurich, une adresse qui permet de lancer la campagne de publicité pour l'École d'Art à suivre. Et puis en même temps pour le logement ils trouvent à louer une maison avec jardin, mais à Hombrechtikon, village agricole de 200 habitants 22 km au SE de Zurich.
C'est que R. Laban avait décidé que parallèlement à l'école d'art, ils allaient lancer le Labangarten, une formation-diplôme (avec examen) sur deux ans équivalente à ce qu'ils venaient de vivre à Monte verità. A Zurich il fait imprimer les fascicules explicatifs du Labangarten à distribuer. Les rôles sont définis pour chaucun-e : administratif, cours d'art, vie ménagère commune, et le mari d'une patiente de Monte verità comme responsable du jardinage-horticulture. Le démarrage est prévu à l'automne. S. Perrottet et Maja, outre les enfants, sont à plein temps sur ce projet là.
A Zurich, en mai, Rudolf loue une autre salle assez grande pour la pratique. L'École d'Art peut commencer, et il y a des inscriptions. M. Wigman le plus souvent à Zurich fera les cours. Mais la caisse est vide, et deux enfants de lui naissent à Hombrechtikon, une par Maja un par S. Perrottet. Il y a aussi les maladies, d'hiver et autres, et ils réalisent alors que le Labangarten qui a mangé énergie, temps et argent, n'était qu'illusion (pas une seule inscription). Le bled agricole conservateur de Hombrechtikon n'est pas la notoire communauté artistique de Monte verità sur le Lac Majeur... Cet engagement devenait une menace existentielle pour tou-te-s, ils abandonnent. Du coup ils n'ont plus besoin de cette maison trop loin de tout. Au printemps 1916 il emménageront à Dietikon plus proche de Zurich (10 km sur l'axe routier/rail). En attendant Maja ira vivre quelque temps avec les enfants à Lausanne où est alors la mère de Rudolf, et qui dépanne aussi son fils de 36 ans financièrement.
Zurich au Nord des Alpes, avait atteint 150 000 habitants en 1900, passant la plus grosse ville de Suisse. C'était "la" ville - langue allemande - pour échapper à la guerre, cela aussi pour celles/ceux qui fréquentaient Monte Verità. Katja Wulff qui était à Monte Verità y va de son coté, la suissesse Sophie Taeuber qui étudiait la peinture à Munich jusqu'à 1914 puis s'installe à Zurich la même année, y côtoyant le sculteur-peintre-poëte Hans Arp, est venue l'été au stage danse à Monte Verità, des écrivains qui connaissaient Monte Verità viennent à Zurich.
Au 2ème semestre 1915, l'école d'art "Laban" avait démarré avec une classe de danse de 16 filles, autant en danseuses amatrices plus occasionnelles, 2 hommes et 8 enfants, et on donne quelques cours particuliers. M. Wigman y est aidée par Wulff, Bermel et Langwara. R. Laban a du reprendre une petite activité graphique rémunérée. Courant 1916 cependant l'école avait pris une vitesse de croisière. "L'école de plus a été affiliée à une Reigenturnschule conduite par Suzanne Perrottet. En tant que ancienne élève Dalcroze, elle s'occupait particulièrement au développement artistique du corps en suivant la méthode Jacques-Dalcroze et faisait des classes pour les enfants et danseu/se/r/s amatrices/eurs pour la voix et la respiration, la tenue et l'oraison". Les locaux sont maintenant utilisés non stop et R. Laban loue un 3ème local pour, à l'automne 1916 commencer des cours d'art graphique. Au printemps il avait organisé une soirée où l’École "Laban" avait joué une pièce de lui, plusieurs solos de ses danseuses, des poèmes lyriques..., avec M. Wigman, K. Wulff, B. Trümpy, S. Tauber et 7 autres danseuses.
"Mary Wigman et Clara Walther ont commencé en 1916 à couper le cordon ombilical avec "Maître Laban" et ont fait une tournée [un peu plus tard dans la guerre] qui a bien marché à travers la Suisse avec leur propre chorégraphie.".
"Jusqu'à mai 1917, Laban n'a été en réalité à aucune classe de mouvement dans son école ni aux opportunités d'apparaître. Depuis que Käthe Wulff, que Laban avait connu depuis les cours d'été d'Asconna, était arrivé à Zurich afin de prendre temporairement la relève de la classe des art et décoration à l'école Laban, la seule occupation qu'il l'occupait encore était de poursuivre les études dans l'architecture de la danse... " "L'érudit de la dance : La choréologie était au repos, et le chorégraphe essayait de développer la base de sa "philosophie de la danse" qu'il ne publiera que quelques années plus tard dans son "Die Welt des Tanzers" (Le monde des danseu/se/r/s, [c'est ça qui va lui apporter le succès]). Il s'occupait avec les derniers travaux de recherches dans le domaine ..." de la religion, de la psychologie, de la physiologie et de l'ethnologie. Ses deux grandes inspirations sont Ernst Haeckel qui donnait une conscience à toute la matière, et dont R. Laban tirera l'usage des formes cristallines, et Wilhelm Wundt qui le convainc de l'unité psychologie-Mouvement. Il cherchait des méthodes d'éducation qui mèneraient à une vie intérieure plus forte, aideraient à donner une vie pleine de vitalité, tout en servant les plus hauts concepts de l'humain. En 1916 il fera une série de huit exposés public de ses idées à Zurich, mais auxquels seul-e-s quelques élèves viendront écouter (Doerr 2008, p. 56-62).
En février 1916, quelque chose s'était produit qui à bouleversé l'ambiance dans le petit groupe de l’École "Laban". Les Dadaistes qui se sont créés alors à Zurich contre l'absurdité de cette guerre venaient d'obtenir un local pas loin et démarraient le légendaire "Café Voltaire" (là). "Les élèves de Laban, Sophie Tauber et Claire Walther ont immédiatement été captées par les dada.", puis rejointes par K. Wülff et même S. Perrottet. Les dada son vite venu draguer à la manière Dada les danseuses au "studio Laban".. (Doerr 2008, p. 64). Le "Café Voltaire" avait du fermer assez vite mais les dada ont ré-ouvert en mars 1917 la "Galerie dada".
"L'été 1917, la montagne soudain est sortie de son sommeil... la vie à Ascona a de nouveau bourgeonné et Monte Verità de nouveau est devenu un point de rassemblement pour la plus grande diversité des esprits.". Cette année là y avait lieu un congrès du Ordo Templi Orientis (OTO) du 17 au 22 août, et Laban qui appartenait à la Loge depuis 1913 était chargé d'une chorégraphie cosmique en plein air (au coucher du soleil, au lever du Soleil à des endroits appropriés dans la colonie) auquel il a fait participer son groupe.
De retour à Zurich en novembre 1917, R. Laban a une période plus intimiste. Il fonde une petite loge maçonnique où se trouve des membres de l’École "Laban", les tenants de Monte Verità et le directeur du Théâtre de la ville de Zurich. R. Laban a alors le projet d'une fédération d'éducation à Zurich avec le Orchestrische Bund de la ville sensé l'aider. Mais comme il annonçait déjà publiquement l’achat d'un hôtel pour cela quant il n'avait pas le sous, l'entente avec le directeur du théâtre s'arrête.
Il y a aussi des bouleversements du coté privé à l'automne 1917. R. Laban tombe en amour réciproque avec une des danseuses, Dussia Bereska (qui s'appelle alors Olga Feldt, elle a été mariée), qui va jouer à son coté un rôle similaire à celui qu'a eu S. Perrottet puisqu’elle va devenir sa co-directrice (et danseuse solo, etc.) pour les 10 prochaines années (et aura aussi une fille de lui, qui sera placée, comme va l'être le fils avec S. Perrottet). La rupture avec S. Perrottet est à l'automne 1917, celle avec Maja Lederer, son épouse, est au printemps 1919. Maja repart à Munich où elle élèvera seule les cinq enfants du mariage en reprenant son activité de chanteuse.
R. Laban se repose en sana l'été 1919, où il continue d'organiser ses écrits. Hans Brandenburg arrange avec son propre éditeur (Walter Seifert) de publier le livre de R. Laban "Die Welt des Tänzers". C'est un ensemble de notes, il parle de culture festive et, par opposition à la société industrielle et consommatrice, d'un idéal communautaire notamment dans le travail [sans le dire, un "Monte Verità" à une échelle allemande] sur fond d'idées de E. Haeckel du tout est dans tout, d'une conscience de la nature (cristal inclus), livre qui parait finalement l'été 1920. "Le livre a touché une fibre au delà de toute attente, et Laban devient fameux en Allemagne du jour au lendemain." (Doerr 2008, p. 82), les portes s'ouvrent grandes devant lui.
R. Laban ayant fait la théorie veut retourner à la pratique. Avec Dussia Bereska, au deuxième semestre 1920 ils commencent la formation d'un petit groupe de danse dans un local public qu'ils obtiennent facilement à Stuttgart. Il n'y aura pas de vrai spectacle de ce groupe avant 1922 mais par contre "les activités publiques de Laban élève en premier lieu son profil d'éducateur de danse. Il a présenté une série de lectures au Physical Culture and Gymnastics de Stuttgart... Ensuite il a organisé un Forest festival au grand air à Stuttgart pendant lequel les étudiants de son cours ont démontré Reigen ["rondes" = danses sociales des temps ancien]. Il a aussi fait des exposés dans la région du Württernberg.", aussi à Mannheim. "Laban souvent présentait ses exposés avec des démonstrations d'éléments de sa chorégraphie par des membres de son groupe de danse. L'originalité de sa vision chorégraphique a attiré beaucoup de jeunes à ses stages." (Doerr 2008, p. 88-9).
Dans les premières recrues du groupe de danse, il avait un jeune Kurt Jooss, qui dira plus tard de Laban en tant que chorégraphe : "Vous ne pouviez jamais copier; jamais faire ce qu'il disait parce qu'il ne disait jamais rien. Il ne disait que des choses vagues et nous avions à résoudre... avec "Gaukelei" il nous a fait improviser ce qu'il voulait voir et s'il aimait, il aimait, et s'il n'aimait pas, il disait "non, trouvez quelque chose d'autre" (Litbury 2018).
Commence sa carrière de célébrité. Il a été pris au théâtre National de Mannheim pour chorégraphier la Tannhauser et une pièce de lui. Sa Tannhauser ne plaît pas au public traditionnel. Par contre la pièce Himmel und Erde (Paradis et Terre) avec le théâtre d'Etat du Wurttemberg en février 1922, un drame dansé grotesque (avec une grande lune, une petite lune, des couleurs...), est universellement appréciée et passera dans plus de 25 villes. Lui cependant est malade sur toute cette période et ne peut même pas assister à la première.
Il déménage avec son cercle dans la colonie de Klingberg à Gleschendorf près de Lübeck où ils vont être basés un certain temps [apparemment encore après avoir commencé des représentations à Hambourg]. Elle a été créée en 1903 à la même époque que Monte Verità. Fondée par le fils d'un industriel, c'est l'aile nationaliste du mouvement lebensreform. Il y a une centaine de résident-e-s qui faisaient leur jardins, une taverne centrale. Ni végétarisme ni nudisme mais du culte à la germanique ancien, comme les festivals aux solstices. Il y rencontre L. Benninghoff directeurs des théâtres de Hambourg, qui va le faire venir dans sa ville.
Hambourg était une ville de la danse avec plusieurs scènes, et R. Laban va y rester de fin 1922 à début 1926. "Pour Laban, les presque trois années de séjour à Hambourg ont représenté, et quantitativement et qualitativement, la phase de sa vie la plus productive.".
"Seulement quelques semaines plus tard [cf. la rencontre avec H. Benninghoff], on y faisait spectacle de danses de chambre de Laban des 12 parties de "Mosaïque d'image de danse", qui ont été répétées à Gleschendorf. Cela incluait la danse Orchidée de Dussia Bereska [poitrine nue] acclamée par certains critiques, jugée par d'autres comme une "phase purement décorative", sans aucun doute présentée au point fort de la soirée. En 1927, la danse de mime de Bereska, jouée sans musique, deviendra la pièce centrale de la chorégraphie "Aus alten Tempeln" (Des vieux temples) du groupe de danse, dans lequel la première partie consistait du solo "grandie comme une orchidée" et la deuxième partie de l'ensemble présentant un "déroulement vital" de la plante. Jusqu'à 1929 la pièce a été partie du répertoire standard. Wilhelm Prager a filmé Orchidée dans "Chemins de force et de beauté"." (Prager et Kaufmann 1925).
Des enthousiastes viennent assister aux répétitions de la Laban Tanzbühne dans laquelle 9 nouvelles/eaux élèves entrent. Les représentations se succèdent (au total sur ces années : 50 ou 60 pour Hambourg). "Laban a créé une fureur à Hambourg... ...et dans d'autre villes allemandes, pas seulement avec ses chœurs de mouvement, mais aussi avec ses drames dansés tel que Komödie (Comédie) et Gaukelei (illusions), mais aussi avec des pièces comme Agamemnons Tod, Don Juan et Prometheus, dans lesquelles il charge le matériel théâtral en chorégraphie et a fondé la "danse dramatique moderne".
Les pièces de Laban ce sont souvent des groupes définis par une couleur, qui s'engagent et se désengagent. C'est une alternance d'images statiques que la chorégraphie transforme soudain en une autre image statique, le tout en une organisation de l'espace. Il y un jeux avec les oppositions mais le final se termine dans l'harmonie.
Lui même peut y jouer (leader d'un de ces groupes comme dans Don Juan considéré comme une réussite). "Bien qu'il n'avait jamais eu d'entraînement de danse en dehors de leçons sporadiques en ballet et gymnastique... il était apparemment, comme la presse la souligné, un danseur de calibre dont la force de performance se trouvait dans le grotesque... plutôt un "danseur de théâtre".
Mais lui est souvent loin à voyager pour essayer de décrocher des demandes en Europe, le financement à Hambourg étant insuffisant. "il était présent au mieux seulement quelques jours par mois afin de donner quelques classes individuelles pour une paire d'heure. (Doerr 2008, p. 111).
Il a également ouvert une Ecole de danse Laban à Hambourg, les danseu/se/r/s de la troupe y faisant les cours, et qui marchait fort. En octobre 1924 elle passe sous la direction de Albrecht Knust.
Et à ce moment R. Laban développe les Bewegungschor, "chœurs de mouvement" : ni une école, ni des cours, pas une danse d'art, pas de l'art, mais une danse communautaire. Cela réfère au Reigen, "rondes" des temps anciens qui unissaient les personnes participantes et reliaient temps de repos et travail quotidien. Les Bewegungschor n'étaient pas pour des danseu/se/r/s mais pour tout-le-monde, adultes, enfants. C'était à la fois un entraînement physique, de l'expression, des mots et des rythmes. Ils leur faisaient faire des formes géométriques, triangle, rectangle, courbe constitutant une panoplie diverse d'images spatiales... L. Benninghoff fournit à R. laban un espace plus vaste pour répétitions de ce type de pratique. En 1923, Laban a enseigné ce sujet lui-même, puis Ida Urjan et Albrecht Knust prendront le relais. "Les choeurs de mouvement", dans lesquels principalement 20 à 60 individus, mais parfois plus de 100 personnes participaient, étaient donc sensés promouvoir non seulement l'expression en danse mais aussi le sens du mouvement en lui-même, et, de la plus grande importance, avoir un impact socio-éducatif dans la construction d'une communauté... ... L’interaction entre le leader du choeur et le groupe était basée sur l'improvisation libre; cependant la hiérarchie définie restait sans questionnement... ... Dans les années suivantes, elles ont été copieusement jouées dans nombre de villes allemandes et pouvaient être comprises comme une forme de nouvelle danse folk... Dans une annonce de démonstration Laban "...C'est un exercice qui vient sans contrainte du chœur, et il est pour proclamer la joie naturelle du mouvement, une expression pleine de la gaîté physique et spirituelle. C'est donc plus un type de démonstration d’exercice, mais dans une autre forme,..." (Doerr 2008, p. 103-4). "Avec son travail de chœurs de mouvement et la présentation sur "l’importance culturelle et pratique de la danse amateur", qu'il faisait avec un zèle presque jamais vu de zèle missionnaire, Laban était vu dans les années 1920 comme le père du mouvement de danse amateur" (Doerr 2008, p. 106).
Cela ne semblait pas lui suffire. En nov. 1925, il prend le patronage du Deutsche Gymnastikbund, une fédération de 5 "écoles" de gymnastique, dont il voyait probablement le rôle comme n'étant pas loin du Bewegungschor ou comme une bonne introduction. En 1926 il publie deux livres sur le lien gymnastique-danse dont un avec 5 éditions dans l'année. Finalement Franz Hilker directeur du Gymnastikbund à l'automne 1927 écrira que l'unification représentait un danger pour la gymnastique (avec équipements). Les deux cotés étaient désorientés. Le conflit éclatera finalement en 1934 entre R. Laban et Rudolf Bode (une des 5 "écoles").
Avec les élèves qui partent, des Ecoles Laban se créent dans des grandes villes, 24 en Europe. Pour les standardiser il crée le Laban-Bund en avril 1926 à Berlin. Il y aura un entraînement obligatoire à l'école Laban de Hambourg. Ces écoles étaient profitables à sa troupe qui pouvait facilement les intégrer au spectacle qu'elle donnait en se déplaçant dans ces villes. Quelques unes de ces écoles ont soutenu des partis de gauche-centre-gauche (en donnant le spectacle Lichtwende) mais Laban s'en défendait (Doerr 2008, p. 110).
Début 1926 R. Laban quitte Hambourg pour Würzburg où A. Schleglmuenig, ami sculpteur, met à sa disposition un joli lieu. Accompagné par quelques membres de sa Tanzbühne il y sera en 1926-27. Avec Dussia Bereska ils y créent une école de danse et chorégraphie qui cette fois est exclusivement pour former des professionnel-le-s, avec examen final. Gertrud Snell y enseignait l'écriture cinétographie de Laban. D. Bereska faisait les démonstrations sur de la musique classique (décrite distante avec les élèves; Laban avait un bien meilleurs contact mais était le plus souvent absent). S'y donnaient aussi des cours de ballets classiques (pour raison pragmatique, car les étudiant-e-s devaient être qualifié-e-s pour les maisons d'opéra, où ces méthodes étaient obligatoires). Et Laban et Bereska fondent un Kammertanzbühne (groupe de danse de chambre) d'une petite dizaine. Fini les constructions de groupe, ils voulaient maintenant quelque chose de plus interne et raffiné. Ils rejouent néanmoins le Don Juan à Würzburg en mai 1926 (qui a de nombreu/ses/x figurant-e-s) et dans une fausse manœuvre de son groupe qui le portait haut dans la dernière scène, R. Laban chute lourdement. Il a 47 ans, ne re-dansera plus.
Mais il est actif pour l'organisation de la danse au niveau national. Il milite pour la création d'une fédération de toutes les danses (ce en quoi il rentre en opposition avec Mary Wigman, initialement non incluse alors que le ballet y était) et pour une grande école nationale (aussi pour toutes les danses). En 1927 D. Bereska s'en va définitivement à Paris pour y monter son studio.
En 1928 l'école et R. Laban déménagent pour Berlin, lui travaille et promotionne sa notation "cinétographie". En 1929 l'Ecole et le Laban-Bund déménagent pour Essen pour fusionner avec l'école de K. Jooss, qui prend la direction de l'ensemble. En 1930 R. Laban qui approche de la 50aine remplace le Maître en chef de ballet à l'Opéra d'Etat de Berlin dont il devient Directeur du mouvement et de la dance, un poste des plus hauts dans la hiérarchie. Aimant la mystique de Wagner il collaborait avec Sigfried Wagner, le fils de Richard Wagner. Parce qu'il n'avait pas la citoyenneté allemande, son contrat qui s'arrêtait en juillet 1934 n'est pas renouvelé mais le ministère lui donne un autre poste, directeur de la "Neue Tanzbühen" (A. Hitler sera même présent à son pot de départ de l'Opéra; Partsch-Bergsohn 1994, p. 213). R. Laban relance alors les Bewegungschor (avec camps d'été à Rangsdorf près de Berlin), est responsable des festivals de danse d'une semaine en nov. 1934 et 1935 (où participe aussi les écoles Wigman), lui retrouvant la compétition avec R. Bode de la gymnastique. Les National-socialistes aimaient à parler de "l'énergie saine du folk". Comme à d'autres célébrités nationales, pour les jeux olympiques de 1936 où l'Allemagne acceuille le monde, il est commissionné d'une chorégraphie qui aura lieu au Dietrich Eckart Freilichtbüne (un théâtre plein air). "Laban a préparé un évênement gigantesque, "Vom Tauwind und der Neuen Freude" (Vent de printemps et joie nouvelle) basé sur le Zarathustra de Nietzsche, avec 1000 danseu/se/r/s divisés en 22 "choeurs de mouvement", tous entraînés par lui, avec l'orchestre et choeur de la radio de Berlin." (Partsch-Bergsohn 1994, p. 216). Le 20 juin, le ministre de la culture J. Goebbels assiste à la dernière répétition, avec les costumes. Selon ses notes, il n'aime rien dans la pièce et l'annule. Choc, et chute en disgrâce de R. Laban. Enquête suit et le régime l'accuse alors notamment d'avoir été maître franc-maçon et l'assigne à résidence dans le (trés beau par ailleurs) monastère Closter Banz près de Bad Staffelstein. En nov. 1937 R. Laban s'enfuit d'Allemagne et, sérieusement déprimé, sera recueilli par K. Jooss en Angleterre où il restera. Il trouvera là une nouvelle partenaire en une des danseuses 28 ans plus jeune, Lisa Ullmann (1907-1985), "labanienne", qui l'assistera jusqu'au bout dans ses écrits.